Performance et Errance - 3/3
Retrouvez les premières parties de cette chronique ici et là.
Et donc Jacques Ellul - dont ma connaissance se borne à la fiche Wikipédia - disait : « d'outil permettant à l'homme de se dépasser, la technique est devenue un processus autonome auquel l'homme est assujetti ».
Ainsi naît ce désir d’errance. De déconnexion.
Et ce balancement recherché, au fil des années vécues, entre performance et errance. Entre discipline et lâcher prise. Accélération et ralentissement. Ville et nature. Hiver et été. Yin et Yang.
Révolutionnaire cette chronique.
Les hôteliers ne m’ont pas attendu, qui font déjà leur beurre de séjours digital detox. Le glamping a le vent en poupe. Dans les forêts, les cabanes sans wifi champignonnent.
Le besoin de déconnexion est attesté - pas besoin d’en faire des caisses.
Mais sur les étés grecs, j’en ferai. Encore une fois.
Sur le plaisir d’aller se crotter les chausses, sur les chemins plantés d’oliviers, le long des restanques, entre les ravines asséchées. Odeurs fauves d’herbes sèches, de roche chaude, et de petits ânes tapissés de mouches. Le téléphone est laissé dans la chambre d’hôtel. La montre aussi. Piano, sano. Du temps à l’état pur.
Chaque jour le même programme : musarder, d’un pas léger, avant d’obliquer vers la mer, que l’on voit en contrebas. Petites vagues rêches et dansantes - comme une nature intacte et primitive. Puis couler des après-midi heureux sur la plage, à bailler aux corneilles, avec son kindle comme seul outil digital.
L’enjeu de la journée : choisir l’emplacement des serviettes. Composer avec les nuisances sonores – en acte et en puissance. Anticiper la course du soleil, et lui offrir son dos nu, le temps de longues lectures, qui fondent l’âme en délice. Avec protection SPF 50.
Impondérables de la plage.
Les enfants font des châteaux de sable, des barrages. Ils s’ennuient. Ils sont heureux. Avec soudain une grande idée : enterrer papa dans le sable, avec juste la tête qui dépasse.
Temps d’innocence à son tour bien enterré, par deux adolescentes, qui se photographient à tour de rôle au bord de l’eau : posture cambrée, string ficelle et emoji pêche. Dépassés par l’époque, les autres plagistes oscillent entre moquerie et consternation - jetant des regards obliques un brin lubriques (pourvu qu’elles soient douces).
Pendant ce temps-là, un oiseau de la famille des laridés – une mouette, en gros - ébauche un assaut discret, se rapprochant à pas de velours des sacs. On t’a à l’œil.
Le voisin joue gros, qui a laissé son paquet de chips sans surveillance le temps d’une baignade. Qui n’était qu’une pause pipi. Eau jusqu’au nombril, regard au loin, air coupable. Sortie précipitée : saleté de mouette ! Laquelle repart avec son butin. C’est l’événement marquant des vacances.
Lectures immersives entrecoupées de ploufs. Vient le moment de la sieste - envie soudaine. Casquette posée sur le visage, respiration ralentie, au rythme régulier des vagues et de leur ressac, parfois chahuté par le passage il y a quelques minutes au loin d’un gros navire, hors du champ de vision désormais, et dont l’onde vient nous percuter à retardement - comme ces étoiles mortes dont la lumière scintille encore dans le ciel le soir.
Je m’apaise. Seules mes jambes continuent de gigoter, chassant les mouches. Je me laisse emporter. Refais surface quelques minutes plus tard. Déboussolé. Où suis-je, qui suis-je. Je distingue quelques bribes de paroles, échangées derrière moi dans une langue étrangère.
Enfin, qu’on se le dise, l’essentiel des plagistes est français. Avec le dernier Goncourt dans le sac Quechua. Voilà d’ailleurs la maman qui retrouve sa place sur la serviette aux côtés du papa, frais émoulu de son trou de sable, et déjà tout à sa lecture. J’ai eu mes parents, qui t’embrassent, glisse-t-elle. Ah ba moi aussi. Ils ont un temps de cochon à Noirmoutiers. Attends chérie je finis juste ce chapitre. Il a opté pour le Joël Dicker.
Le soleil décline. Lentement. L’heure du retour se présage. Encore une journée de rêve. Dont la Grèce n’a pas le monopole, c’est entendu. Donnez-moi la mer, du soleil, des parfums de maquis, et l’affaire est pliée. Corse, Baléares, Côté d’Azur : kif-kif bourricot. Avec bronzage Birkenstock. C’est Transavia qui s’en frotte les mains. La planète un peu moins (j’ai tenté d’aborder l’épineuse question des voyages en avion ici). Soyons rassurés : la compagnie sert ses jus de tomates dans des eco-cups en plastique recyclé .
Pour l’heure, les collines, piquées de maisons chaulées et de petites églises à toits bleus, s’embrasent. Nuances d’or et de rose. Les îles d’en face se dévoilent, avec pudeur, à mesure que leur halo de brume se dissipe. On rassemble ses effets, regagne son village d’un pas lent. On s’oriente au gré de quelques panneaux plantés ça et là, déchiffrant les inscriptions avec quelques rudiments d’alphabet grec. Des anciens taillent le bout de gras sur le pas de la porte. Des chats reposent avec indolence sur les murets, la queue ballante, avant de prendre congé d’un bond furtif et souple - comme étanches aux pesanteurs du monde.
Cette terre semble chargée d’histoire. Sentiment mis en mots par Jacques Lacarrière – expert en étés grecs s’il en est : “ce qui demeure en moi si durablement de la Grèce est d’abord ce vertige de la mémoire grecque ce sentiment d’avoir exploré un continent linguistique en partie englouti et d’en avoir perçu la survie obstinée sur les lèvres du peuple grec (...) Ici sur cette terre où je me sens toujours vivre malgré le recul des années sont nées les mots les empreintes et les catégories mentales qui sont encore les nôtres et que je porte en moi et que nous portons toujours en nous”.
Amen.
Je vous vois venir.
Niveau errance, on a vu mieux. Vacances de bobo parisien. Loisirs normés, vagabondage tracé, illusion de liberté. Opium du peuple.
Ne ferais-je pas mieux, comme certains de mes amis, de me mettre en quête de vraies sensations fortes, d’écumer les festivals en tous genres, et me laisser emporter dans quelques envolées lysergiques ?
Ou de plier bagage pour parcourir le monde, sac de routard sur le dos, hors des sentiers battus ?
Je connais la chanson. Ouais j’ai roulé ma bosse, j’ai pas mal bourlingué… Vous ne me croyez pas !? A dire vrai moi non plus. Je ne suis pas de la trempe des aventuriers. Mais je me devais de cocher la case tour du monde d’étudiants d’école de commerce. J’ai fait la Thaïlande, le Népal, la Birmanie. J’ai vu la Zambie, connu l’ennui des grandes chaleurs, campé dans la brousse. Me suis fait du mauvais sang au sons des hippos, nagé entre les crocos. Un soir, un local a tué d’un coup de carabine un black mamba près de ma tente. RIP Kobe. Oui, black mamba, le serpent dans Kill Bill. Beaucoup moins drôle en vrai. A tout le moins un peu d’action dans un quotidien fait de chaleur sèche et d’ennui. Car à 37 degrés, tout devient quelconque.
Puis il y eut Rio. Un rêve de gosse. Joga Bonito, samba no pé. Je déboule sur la plage d’Ipanema la fleur au fusil. Tranchant avec le hâle des corps bodybuildés. Je demande à participer à une partie de jongles de foot (une “brésilienne”, comme on dit chez nous), pensant que mes origines françaises me conférait un attribut exotique suffisant, que la prestation de Zizou en 2006 offrait un passe-droit éternel. Mais à Rio, la plage n’est pas synonyme d’errance. Au foot, au volley, au frescobol, on est là pour performer. L’affaire est très sérieuse. J’ai fait tomber le ballon, on m’a éconduit.
Alors, depuis, je me cantonne à la Grèce.
Je flâne en toute liberté. Et personne ne me gâche mon plaisir.
Enfin, c’est sans compter sur ma banque. (Ouais les banques ça fait peur)
Été 2024 : un soir avant le dîner, je m’en vais retirer des sous au DAB du village. Avec les commissions bancaires qui vont bien.
La machine mouline et s’interrompt. Unable to process your request at this time. Please try again later.
Mon téléphone sonne. Numéro inconnu.
Oui bonsoir c’est Jérémy du Crédit Agricole, nous avons vu un retrait inhabituel en Grèce nous devons nous assurer que c’est bien vous.
Oui c’est bien moi. (Pas comme si j’avais retiré une fortune non plus.)
OK c’est bon je débloque le retrait, bonne soirée Monsieur.
J’entends : merci mon bon chienchien d’avoir donné la patte. Sentiment d’être épié. Retour de la société de contrôle. A laquelle je prends une part active : je choisirai le resto du soir en fonction de ses avis Google.
La gêne du call de Jérémy s’estompe vite, mais sourd tout de même en fond. Gaspard Koenig l’écrivait récemment au sujet des “autoroutes à flux libres” : la liberté n'est pas l'absence de barrières, c'est l'absence de surveillance1. Demandez aux porteurs de bracelets électroniques. Autoroute à flux libres, késako ? Un tracé sans péage, du moins sans péage physiques : les voitures sont prises en photo, et le conducteur a 72h pour régler en ligne. Comme un avant-goût du pandémonium. Et des sociétés que nous sommes en train de construire ? Avec ce fameux effet cliquet : on ne revient pas sur pas une liberté bafouée. Certaines évolutions sont à sens unique.
Graeber et Wengrow le montrent dans Au commencement était - Une nouvelle histoire de l'humanité. Qui dans le genre étouffe-chrétien, n’a rien à envier à Harmut Rosa. 752 pages. Commencées en Grèce, format kindle. Que je me suis farci une bonne partie de l'automne ensuite. Oui je suis allé au bout et j’en suis fier. Il y a tout de même quelques leçons à en tirer - j’y reviendrai un jour. Vous avez hâte. Pour l’heure, j’évoquerai les trois libertés fondamentales constitutives, aux yeux de Graeber et Wengrow, des sociétés authentiquement libres à travers les âges :
1. la liberté de quitter les siens
2. la liberté de désobéir aux ordres
3. la liberté de reconfigurer sa réalité sociale
Vaste programme. Pour être honnête, je n’ai pas l’impression de recevoir d’ordres. Sauf en période de confinement (mais c’est un autre débat). D’aucuns diraient que le caractère pernicieux de nos démocraties modernes tient justement à ce qu’elles n’interdisent pas. Elles suggèrent, orientent et empêchent. Et si l’on adhère pas aux idées ambiantes, on n’est pas emprisonné, simplement marginalisé.
Pour ma part, j’avance dans le troupeau. Pas malheureux pour autant. Peut-être un peu naïf. Mais quoi, cette vie me convient.
Parfois, certes, l’envie soudaine me prend de démissionner de ma propre existence. De me soustraire au torrent des jours, de manquer à l’appel des devoirs. Du reste, mes plus fortes expériences de liberté tiennent peut-être à ces jours de semaine, où l’envie m’a pris de fermer l’ordinateur et d’aller déambuler dans les rues, sans but. Rien de mieux qu’une grande ville pour disparaître.
Il y a aussi ces jours où un gros rhume me rattrape, où je peux rester sous la couette, regarder des films dans mon canapé, sans l’once d’une culpabilité.
D’ailleurs j’en sors. Quatre jours de fièvre carabinée. Sans volonté aucune. Comme détaché de mon propre corps.
Mais les objectifs de performance reprendront leurs droits. Car à cette parenthèse aboulique répond l’horizon fixe d’une nouvelle épreuve sportive, et son legs de séance d’entraînement. Cette fois-ci il ne s’agit plus de course à pied, mais de cyclisme - à chaque âge sa nouvelle toquade. Et son matériel toujours plus coûteux, dont on se fait l’esclave. C’est Décathlon qui s’en réjouit. Ma femme, un peu moins, à me voir entasser pêle-mêle ce barda dans la penderie, qui dégueule de gants, casque, gourdes et kit de réparation de pneu - à toutes fins utiles. Dernière case à cocher : acquérir un home trainer, pour pouvoir pédaler dans mon salon en toute saison. Hamster ultime.
En ligne de mire, donc, l'Étape du Tour, ses 130 km, majorés de 4500 m de dénivelé positif. Compter environ huit heures d’effort. Pas la même limonade que mon petit semi. Étant précisé que l’Étape à lieu au cœur de l’été, et que la canicule y vient souvent jouer les trouble-fête. Mais la recette fait florès : les dossards se vendent comme des petits pains, au prix fort, quelques secondes après leur mise en ligne. Provoquant l’ire de certains. Tandis que les vrais cyclistes brocardent un évènement commercial, hautement instagrammable, où les parisiens exhibent leur tenues rutilantes et matos dernier cri. Avec mon biclou Triban d’entrée de gamme, je ne me sens qu’à moitié visé.
Je découvre un nouvel univers. Ses codes et son jargon. Je parle socquette légère, bec de selle et coups de bordure. Je me pique d’intérêt pour les épreuves de l’UCI WorldTour - Grands Tours et Monuments. Revenant sur l’impression initiale d’une enfance modelée par les années 2000, durant laquelle, chaque matin, Infosport venait gonfler le catalogue déjà bien fourni des coureurs tombés pour dopage. Ce sport n’était, aux yeux de ma génération, qu'une vaste pantalonnade. Loin du souffle épique du siècle dernier, de la mythologie vivante des grands champions, Anquetil, Merckx, Coppi, de leur geste brossée par Antoine Blondin et consorts. Comme l’écrit Philippe Bordas, le cyclisme n’était pas un sport : “il disait l’invariant de l’homme plein d’ardeur dans le noir – sa nature sans excipient. (...) C’était l’intime de l’écriture ; les écrivains se nouaient à lui dans une course à fleur de peau ; les champions s’animaient au mouvement cursif d’un stylo.”. Mais ce temps est révolu. L’heure est à la machinerie. Au dopage. Aux gains marginaux. Les coureurs roulent sous le contrôle de leurs oreillettes ; puissance et fréquence cardiaque scrutées par leur directeur sportif. L’urine est analysée chaque matin, pour suivi du taux d’hydratation. La montre a enregistré le rythme de sommeil. C’est la fin du romantisme. Pour Gaspard Koenig - toujours lui - c’est le mal de nos société : le triomphe de l'intelligence analytique sur le jaillissement de la vie.
Le coureur-philosophe Guillaume Martin tempère dans philomag2 : cet hyper contrôle découle des “enjeux financiers dans le monde sportif, très liés à la logique même du capitalisme (…) mais même avec un paramétrage aussi fin, il reste heureusement une place pour l’inconnu. Dans une course, rien ne se passe jamais comme prévu. Il y a les aléas météo. Il faut compter avec le comportement des adversaires. Il y a aussi et surtout une place pour l’instinct”.
Il n’est pas question de gagner dans mon cas. Simplement de voir la ligne d’arrivée. La victoire passera, comme chez Nietzsche, non pas dans le fait d’écraser qui que ce soit, mais d’affirmer ma puissance vitale. Rien que ça.
Ce qui passe par une bonne dose d'entraînement. Que Guillaume Martin théorise là aussi. “Il faut rechercher l’incorporation du geste, par mémoire corporelle”. A première vue, je sais faire du vélo sans petites roues depuis un moment. Mais surtout : “il faut amener le corps dans un état de surcompensation”. Épuiser l’organisme pour le forcer à se solidifier et accroître ses capacités. S'affaiblir pour progresser. En jonglant sur la ligne de crête de l’habitude, trouver le juste milieu entre la progression qui décuple la force vitale, et la routine, qui anéantit. Entre la grâce et l’ennui.
Alors, chaque week-end, je pars rouler.
Un peu de grâce - beaucoup d’ennui.
Je tente de me fondre dans la meute de cyclistes du dimanche. Me frotte aux énervés de Longchamp. Avec poussées d’adrénalines, quand point derrière moi le bourdonnement de dérailleurs haut de gamme caractéristique du fast pack. Arsenal futuriste, casques profilés carbone, lunettes photochromiques. Digne d’un escadron de stromtroopers. Qui avale les tours à plein régime. Je tente de choper l’aspiration, joue mon va-tout sur quelques coups de pédale, parvient à me greffer au cortège. 30% d’efforts en moins. Je comprends mieux l’adage : le cyclisme est un sport individuel qui se pratique en équipe. Mais en matière de coéquipier, je suis plutôt du genre suceur de roue : hypnotisé par celle du coureur devant moi, je reste dans le sillage du groupe, à fond de train – avant d’exploser en vol au bout de quelques tours.
Je croise d’autres stromtroopers sur les talus de la vallée de Chevreuse. Uniformes d’équipe, constellation de sponsors. Rompus à l’exercice, ils avalent les bosses sans sourciller. Déclenchent les radars dans les descentes. J’esquisse parfois à leur endroit un hochement de tête amical, me sens adoubé quand il est rendu – rarement. Écrit sur mon front : néophyte. Le complet Décathlon n’aide pas. Mais c’est le printemps et je mène ma barque avec contentement. Confortablement installé dans ma zone 2 : endurance aérobie, intensité modérée, amélioration cardiovasculaire3. Les oiseaux gazouillent, les arbres bourgeonnent et je m’en mets plein les mirettes.
En perspective, aller se frotter au plus noble des terrains de jeux : les Alpes.
Souvenirs de l’an passé, à mordre la poussière sur la route du col de l’Iseran. Maillot ouvert dès les premiers lacis de la montée, cuisses en feu et cœur battant à se rompre. Petit braquet - tout petit braquet - et tête dans le guidon. Pierre Dac avait pourtant raison : il est idiot de monter une côte à bicyclette quand il suffit de se retourner pour la descendre.
On ne triomphe pas de la montagne. On s’écrase dessus. On s'aplatit. Gravité centuplée. On épouse ses formes, sous la contrainte - elle dicte sa loi. C’est une leçon d’humilité.
J’ai fini par atteindre le col. Sans tambour ni trompette. Posé pied à terre, m’autorisant un roboratif et quelques lampées de boisson electrolyte, imprégnée du plastique de la gourde. L’instant résonne - comme une déclinaison estivale des grandes escapades en ski de randonnée. A l’effort patient de la montée succède la douceur descente, où tout ne sera que glisse et lumière. Performance et errance : la montagne permet l’union des contraires. Sommet dialectique.
Je laisse glisser mon regard sur la vallée. Diffusion de Rayleigh4 : au loin, les montagnes semblaient vibrer dans un reflet bleu-vert. Cette couleur que notre dictionnaire ne connaît pas, et que les Chinois désignent sous le nom de qing5.
Et là, il faut que je trouve une chute à cette chronique, parce que ça n’en finit plus.
Option 1 : du qing, dériver hasardeusement vers la phonétique du Yin, et son compère le Yang, susmentionnés, comme reflets de la dialectique performance-errance. Le Yin est ombre, réceptivité, introspection. Le Yang est élan, action, lumière. Et il se trouve que Yin et Yang, chez les Chinois - enfin de ce que je comprends - s’unissent dans le Dao, le “chemin”, la “voie”, le flux éternel de la nature, le cycle du cosmos. Charge à chacun, pour trouver le bonheur, d’y accorder son existence. Car tout n’est qu’alternances, cercles, cycles. Loin de la conception linéaire des occidentaux, qui n’ont rien compris. Bref, tout ce foin pour retomber sur l’Aion des Grecs - concept déjà entrevu 1000 lignes plus haut. On pourra dire, en l’espèce, que la boucle est bouclée.
Option 2 : reconnaître cette teinte bleu-vert du qing dans les photos argentiques des étés passés. Comme cette photo à deux prise en haut d’un monastère grec. Et se rendre compte qu'à la racine de ce balancier, qui oscille performance et errance, il y a une base, un socle, qui est celle de la vie de couple.
C’est le bisou d’encouragement mutuel au départ du semi.
L’ombre projetée du scooter sur le bitume granuleux des routes de Grèce.
Les petites habitudes du foyer : les dîners du dimanche soir - toujours le même menu - l’odeur des tartines grillées le matin, les soirées lecture au lit. Faudrait qu’on pense à changer les draps. Tes parents vont à Noirmoutier cette année ?
Instants de rien du tout, clair-obscur intime, éternité du quotidien. Celle des tableaux de Vermeer ou Hammershoi.
Oui les vacances ont du bon, et les sorties vélo aussi - mais à la fin des fins, je crois que ce sont ces moments-là qu’on garde.
Option 2.
Vermeer, Soldat et jeune fille riant (vers 1657)
PS : merci de m’avoir lu jusqu’au bout ! Et merci pour vos retours - ils me font toujours plaisir !